Pourquoi devrais-je m’arrêter?
Leila Zelli, Pourquoi devrais-je m’arrêter ?, 2020, vidéos, couleur, son, textes
Collection Musée d’art contemporain de Montréal
Commissarié par Arianne De Blois
Leila Zelli, Pourquoi devrais-je m’arrêter ?, 2020, vidéos, couleur, son, textes
Collection Musée d’art contemporain de Montréal
Commissarié par Arianne De Blois
- Présenté dans le cadre de l’exposition virtuelle Quelque part, autrement, QUADrature, Galerie de l’UQÀM, 2020
- Présenté à la Nuit des idées 2021, Galerie de l’UQÀM en collaboration avec le Consulat général de France à Québec
- Présenté au Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie, 15 Juillet - 30 Septembre 2021
Dans cette œuvre, conçue spécifiquement pour l’exposition Quelque part, autrement, Leila Zelli rend hommage à la force et à la résilience d’un groupe de femmes iraniennes. À la suite de la décision étatique d’interdire aux femmes la pratique Varzesh-e Bâstâni dans l’espace public, nombreuses sont celles qui se sont tournées vers les médias sociaux pour y diffuser des images d’elles-mêmes en train de pratiquer ce sport antique, traditionnellement réservé aux hommes. Leila Zelli a rassemblé dans un montage vidéographique des vidéos extraites d’un compte Instagram consacré à cette cause, puis les fait tourner en boucle afin d’accentuer le courage et la ténacité de ces athlètes face à l’adversité. La présence de plusieurs jeunes filles laisse clairement entendre que les luttes des femmes en Iran vont se poursuivre, qu’elles ne sont pas près de s’arrêter. Lu en persan par l’artiste, le poème Il n'y a que la voix qui reste, de Forough Farrokhzad, d’où est tiré le titre de l’œuvre, vient doublement ancrer son propos dans une perspective poétique et historique. Enfin, tel un écho à la démarche militante de ces femmes, l’artiste s’est filmée, pieds nus et en pantalon traditionnel, en train de marcher en rond d’un pas affirmé dans une zoorkhaneh (gymnase traditionnel), trouvée dans un boisé voisin de sa demeure montréalaise. Elle partage également sur son compte Instagram, la documentation de son apprentissage des rudiments du Varzesh-e Bâstâni, enseignés par son père.
La pièce musicale entendue en boucle au sein de la vidéo principale est Zoorkhaneh de Maryam Akhondy, présente sur une des vidéos extraites en ligne par l’artiste.
* Forough Farrokhzad, Au seuil d’une saison froide, traduction de Sara Saïdi B., Paris L’Harmattan, 2017, pp. 128-132.
« La dernière œuvre, Pourquoi devrais-je m’arrêter ?, formée de deux vidéos, est la plus puissante des quatre. Critique de la société iranienne d’où elle est originaire, Leila Zelli montre comment des femmes de ce pays luttent et résistent. Notamment en contestant sur les réseaux sociaux la décision du pouvoir religieux iranien d’interdire aux femmes la pratique antique, en public, du Varsesh-e Bâstâni, un exercice physique réservé aux hommes.
On voit ainsi des extraits de vidéo de femmes de tous âges filmées en train de danser et de pratiquer cet exercice traditionnel à l’extérieur ou chez elles. Tandis qu’est diffusé le poème Il n’y a que la voix qui reste, de Forough Farrokhzad.
Pour marquer la détermination des femmes iraniennes, une autre vidéo nous montre Leila Zelli tournr en rond dans un parc durant plusieurs minutes. Cercle vicieux, obstination, résistance. Pourquoi devrais-je m’arrêter ? demande l’artiste. Une œuvre simple, claire et forte. Un appel à la résilience qui résonne d’autant plus fort actuellement. Comme l’exprime Louise Déry, « QUADrature connecte de manière incroyable le temps présent sans l’illustrer superficiellement ».»
La Presse
Pourquoi devrais-je m’arrêter? (2020) de Leila Zelli sert, à ce propos, une profonde affirmation identitaire à partir d’une proposition étoffée de deux vidéos et de la lecture du poème Il n'y a que la voix qui reste de Forough Farrokhzad, duquel est d’ailleurs tiré le titre de l’œuvre. Ce récit d’une voix persistante qui refuse de se taire est l’expression même de la démarche de Zelli et de ses consœurs qui s’approprient les médias sociaux pour diffuser et manifester largement leur existence. Des femmes de tout âge se partagent l’écran de la première vidéo alors qu’elles pratiquent le Varzesh-e Bâstâni, un sport traditionnel dont l’exercice leur a été interdit dans l’espace public par l’état.
L’accumulation des pratiques solitaires génère un collectif bruyant et étourdissant. Le crescendo sonore où s’entassent les instruments et les chants se joint à l’accélération des mouvements en l’expression assourdissante du droit d’exister. À l’inverse, le bruissement discret de la forêt de la seconde vidéo met en lumière l’action solitaire, constante et assidue de l’artiste. Pieds nus et vêtue du pantalon d’exercice rituel, Zelli tourne en rond d’un pas régulier sur ce qui s’apparente à un zurkhâneh, gymnase traditionnel iranien, en pleine nature. L’artiste confronte l’écoulement lent du temps à l’action persistante et patiente de son corps dans l’espace. Cette marche sans fin, dont la trace ne se verra qu’à force de volonté tenace, résume enfin le processus éreintant et laborieux de l’affirmation de soi dans un espace social sourd.
ESSE